
Les métiers de l’aquaculture sont intimement liés à ceux de l’environnement et de sa protection, et s’y former débouche sur un emploi quasi assuré ! Témoignages au sein de deux écoles, à Coulogne (Pas-de-Calais) et à Poisy (Haute-Savoie).
Professeur d’aquaculture et responsable de cette filière au lycée agricole de Coulogne, Geoffroy Vincent vient justement de dresser l’inventaire : parmi les étudiants sortis en juin dernier de l’établissement privé du Pas-de-Calais avec leur brevet de technicien supérieur agricole en poche, 37 % ont décroché un travail en CDI, 33% en CDD, les30% restants poursuivant leur cursus en licence professionnelle. « La plupart des étudiants ont trouvé un emploi en France métropolitaine, mais aussi dans les DOM- TOM et en Écosse », détaille l’enseignant. L’établissement reçoit régulièrement des offres d’emploi qu’il ne peut pas satisfaire dans son intégralité. Pourtant, l’aquaculture ne représente qu’un tiers de ses effectifs, soit cette année 120 jeunes ainsi répartis : 50 bacs professionnels (de la seconde à la terminale), 45 BTSA (dix de plus que l’année dernière), à cela s’ajoute « une trentaine de collégiens prédestinés à la filière aquacole », ajoute David Vandewalle, le directeur du lycée. À plus de 800 kilomètres de là, dans le Sud- Est, et à 500 mètres d’altitude lorsque Coulogne se situe au niveau de la mer, le constat est le même au sein de l’Iseta, l’Institut des sciences de l’environnement et des territoires d’Annecy, qui regroupe les enseignements de l’aquaculture sur son site de Poisy. « Nous comptons moins d’élèves que nous ne recevons d’offres d’emploi, indique Sébastien Tavan, directeur adjoint chargé de l’enseignement.
Que ce soit dans la production ou dans la commercialisation, mais aussi dans la gestion de l’environnement, les élèves qui sortent de chez nous ne connaissent pas le chômage : nous sommes en situation de plein-emploi ! » 120 jeunes fréquentent cette année l’Iseta de Poisy, le même nombre que le lycée de Coulogne.
Aquaculture marine, pisciculture d’étang, aquariologie... la pluralité des disciplines ainsi que la variété des productions (de poissons, bien sûr, mais aussi de coquillages, de crustacés, d’algues, de grenouilles, d’oursins...) expliquent le succès de la filière. En moyenne, 50 % des étudiants se destinent à la pisciculture, et un tiers à la conchyliculture. Le reste se répartit entre les autres domaines, comme l’algoculture.
Produire, mais également protéger
Toutefois, ce qui fait de l’aquaculture un secteur d’avenir invite à remettre l’enjeu en perspective : face à l’augmentation de la population mondiale, l’effondrement des réserves naturelles impose de recourir davantage à l’élevage, de préserver la biodiversité et de protéger la ressource en eau, incitant de surcroît à le faire avec un respect accru et imprescriptible de l’environnement. Ou comment reformer un cercle vertueux pour nourrir l’humanité, en tirant les conséquences de nos manquements... « Nos formations sont tournées vers le développement durable, et ça ne date pas d’hier, mais d’au moins une quinzaine d’années », souligne d’ailleurs David Vandewalle, à Coulogne. « Cela nous conduit, par exemple, à étudier l’impact de notre activité sur la qualité de l’eau, prolonge, à ses côtés, Geoffroy Vincent. Depuis maintenant 26 ans, nous disposons d’un circuit fermé, thermorégulé, qui permet de réutiliser l’eau par un système de filtration. Nous travaillons également sur une technique de pompage, qui permettra de diviser par trois nos consommations énergétiques. Sensibiliser les étudiants à ces questions de développement durable est une priorité, qui est partagée par les jeunes se destinant à ces métiers. »
« Votre métier, c’est vous qui allez l’inventer »
Ces préoccupations sont également présentes à Poisy : « De nouveaux métiers apparaissent constamment, et nous investissons sans cesse pour nous adapter aux nouvelles technologies, pour les devancer (quand c’est possible). Actuellement, nous aménageons une nouvelle écloserie, un nouvel atelier aquacole. Le constat est clair : l’eau, il y en a de moins en moins, et l’énergie coûte de plus en plus cher, rap- pelle Sébastien Tavan. Je dis souvent à mes élèves : votre métier, c’est vous qui al- lez l’inventer. Nous proposons une licence professionnelle axée sur la durabilité des produits et sur la gestion de la qualité. Le secteur voit apparaître, par exemple, des conseillers en durabilité. Autre illustration : depuis qu’elle a été frappée de plein fouet par un virus, l’ostréiculture recrute des jeunes ayant appris à prendre en compte le stress de l’huître et à le repérer. En réalité, lorsque votre futur métier consiste à produire dans le milieu naturel, vous devez être capable de le protéger. Vous êtes à la fois producteur et naturaliste. Et, de nos jours, cette double compétence vous assure de trouver un emploi ! » À Coulogne, Geoffroy Vincent ajoute même une corde à l’arc des aquaculteurs : « En plus de l’environnement, nous sensibilisons également les étudiants à la réglementation, car intervenir dans l’eau, c’est aussi toucher une demi-douzaine d’administrations. Nous sommes bien placés pour le savoir : nous avons participé à la concrétisation d’un projet de concessions au large de Dunkerque, pour expérimenter l’élevage d’huîtres dans la mer du Nord, et cela nous a pris deux ans ! ». Cultiver dans l’eau passe parfois par un retour sur terre.
SYLVAIN VILLAUME, Tribune Verte n° 2922