- Horticulture

Un manque de bras et de compétences

Un manque de bras et de compétences

 

Les producteurs fruitiers veulent de nouvelles formations initiales pour certaines tâches qualifiées.

À la peine pour les récoltes, les arboriculteurs s’appuient essentiellement sur des saisonniers étrangers. « Il faut s’y résigner, précise d’ailleurs Patrice Vulpian, producteur de pêches, de nectarines et d’abricots dans les Bouches-du-Rhône et coprésident de la fédération nationale des producteurs de fruits. Même si les lourdeurs administratives sont telles que dans certains cas, les travailleurs arrivent après la bataille ! » D’autres solutions existent, comme celle qu’a lancée Pauline Vialaret, baptisée « Terre 2 Cultures », afin de favoriser l’embauche de réfugiés, principalement afghans, qui connaissent bien les métiers de base de la production fruitière. Des placements qui peuvent déboucher sur des postes fixes. Mais « les producteurs sont encore peu nombreux à faire appel à nous », regrette-t-elle.

« L’arboriculture est noyée dans des études plus générales »

Reste les tâches qualifiées. « Embaucher un tractoriste qui saura passer correctement dans un verger et connaîtra, en outre, les enjeux phytosanitaires ou de fertilisation, relève de l’exploit », confirme Philippe Blanc, directeur et conseiller au Ceta du Vidourle, dans l’Hérault, un organisme de conseil et de formation en agriculture et en arboriculture fruitière. Les raisons tiennent d’abord « au déficit de formations spécialisées pour des postes opérationnels », enchaîne-t-il. De fait, alors qu’il y avait auparavant plusieurs possibilités de faire un BTS arboriculture, ce parcours n’est plus proposé. « Il formait pourtant des chefs de culture, avec des connaissances techniques et qui s’intéressaient aux maladies des plantes, à la réglementation ou aux aspects commerciaux. Désormais, l’arboriculture est noyée dans des études plus générales », déplore-t-il. En effet, le BTS proposé « traite aussi bien du maraîchage que des pépinières et accessoirement de l’arboriculture, s’insurge Patrice Vulpian. On ne rentre pas vraiment dans les métiers d’arboriculteur ». Conséquence de cette situation : un grand nombre d’emplois non pourvus dans la filière…

Patrice Vulpian se bat avec l’Éducation nationale pour qu’un BTS spécialisé arboriculture soit lancé, mais « cela prend du temps… L’administration voudrait déjà des centaines de candidats pour lancer le projet », soupire-t-il. Et les choses se compliquent, puisque les producteurs fruitiers, dont le métier est de plus en plus risqué du fait des aléas climatiques, rechignent à offrir des CDI et donc des perspectives d’emploi stable… Pas de quoi, dans ces conditions, susciter des vocations, d’autant que ces métiers manuels souffrent d’une dévalorisation de longue date et que certaines tâches – de conseiller, par exemple - exigent au moins cinq ans d’expérience pour être un bon professionnel. Or « les jeunes générations ne veulent plus s’embarquer dans un métier qui prendra tant de temps pour acquérir les compétences nécessaires », avance Philippe Blanc.

Formation continue et management

Seule solution pour trouver de nouvelles compétences : former les salariés en poste. Ainsi, Delta Sud Formation, organisme créé il y a 40 ans par la profession, à Saint-Rémy-de-Provence, propose entre autres un brevet professionnel agricole spécialisé arboriculture fruitière « qui peut mener à des postes d’encadrant », relève Anne Séverac, sa directrice. Elle cherche notamment à capter des personnes en reconversion qui ne viendraient pas du monde agricole. « Mais nous dépendons de Pôle emploi, seul organisme à avoir accès à ces fichiers », ajoute-t-elle. Outre des opérations de communication sur les métiers, elle conseille aussi à certains producteurs de revoir leur management. « On ne peut pas demander à du personnel permanent local avec une famille de travailler sans compter comme le font les saisonniers étrangers qui veulent faire le plus grand nombre d’heures possibles. Certains producteurs n’ont pas de problèmes d’embauche ni de fidélisation, d’autres beaucoup plus », note-t-elle.

Lys ZOHIN (Tribune Verte 3029)