Votre référente Métiers de la gestion et de la finance
Géraldine LEBRETON : glebreton@apecita.com

Le conseiller agricole, un profil très spécifique

Géraldine Lebreton, référente des métiers de la gestion et de la finance pour l’Apecita, revient sur les principaux métiers en lien avec l’agriculture et les attentes des recruteurs dans ce vaste secteur.

Au préalable, pourriez-vous nous expliquer quand les acteurs de la finance, de la banque, de la gestion et des assurances interviennent-ils dans les filières agricoles ?
Géraldine Lebreton : À chaque maillon de la filière, les acteurs agricoles expriment des besoins de financement, de gestion et d’assurances. Produire des matières premières agricoles comme le blé ou le colza, élever un troupeau, travailler ces produits pour les transformer en farine, en huile ou en viande, transporter ou exporter ces produits, investir dans du matériel agricole et des intrants, commercialiser ces productions dans un environnement de marché mondialisé tout en se couvrant des risques de marchés : tout ceci mérite de nécessairement recourir aux systèmes bancaire et assurantiel, dans un cadre de gestion bien établi.
De plus, la question du financement des secteurs agricoles, en France, mais aussi au niveau mondial, est extrêmement stratégique, le rôle fondateur de l’agriculture étant de nourrir le monde : il joue un rôle géopolitique prépondérant.
La France, grand producteur européen de produits agricoles et agroalimentaires, présente une réelle diversité de ses acteurs agricoles : même si la tendance est à la concentration, la taille des exploitations agricoles présente encore de grandes disparités, les choix stratégiques et les modes de production le sont tout autant. Cela étant, la baisse du nombre d’exploitations agricoles – donc de clients potentiels – oblige les banques et les assurances à revoir leurs offres en conséquence pour ne pas perdre de parts de marché en valeur et pour s’adapter à une clientèle plus exigeante. Le secteur agricole bénéficie ainsi d’une offre forte sur ces grands secteurs stratégiques.

Quels sont les principaux emplois que propose le secteur bancaire ?
G. L. : Au sein des différentes enseignes bancaires, les métiers en lien avec le monde agricole sont très variés. Le conseiller commercial, légalement appelé, selon les banques, conseiller clientèle ou chargé d’affaires spécialisé sur le marché agri-viti, s’adresse à une clientèle très spécifique, mais à la fois très variée, et nécessite de bien connaître le monde agricole. Ce profil étant assez rare, il est possible, mais peu fréquent, que ce conseiller quitte cette fonction pour migrer vers le marché des particuliers ou des professionnels. Il peut toutefois, dans certaines banques, occuper un poste mixte « agri/professionnels ». Il arrive parfois que le conseiller suive une clientèle à la fois agricole et professionnelle. Les passerelles sont multiples dans le secteur bancaire. Le conseiller auprès des particuliers peut évoluer vers le plus spécifique marché de l’agriculture, grâce à un parcours de formation interne. Le conseiller agricole, quant à lui, peut migrer vers un poste de conseiller auprès des professionnels et artisans pro et inversement. Toutefois, le marché agricole est tellement spécifique que nombre de banques préfèrent le recrutement externe ou le recours à un plan de formation interne. Certains recruteurs m’ont confié que les collaborateurs trouvent le marché agricole plus dur, avec un administratif plus important et plus complexe. Il est également plus en difficulté en matière de relations commerciale et humaine, le conseiller est parfois confronté à la détresse du monde agricole (suicide, faillites…).
Certaines banques segmentent le portefeuille de leurs conseillers agricoles selon le chiffre d’affaires du client ; certains sont ainsi spécialisés dans la gestion des grands comptes.
D’autres banques font le choix de segmenter leurs équipes : d’un côté des conseillers agricoles de proximité, et de l’autre des experts qui seront en support desdits conseillers et qui ne seront pas en contact avec la clientèle. Outre l’animation commerciale, ils accompagnent les conseillers dans la prise de décisions sur des dossiers complexes. La majorité de ces experts ont été conseillers agricoles par le passé.

Que recherchent les banques pour ces postes ?
G. L. : Outre une évidente appétence pour le secteur agricole, les banques recherchent avant tout un comportement professionnel, des compétences commerciales et des compétences techniques sur la partie bancaire et agricole : vendre, conseiller, prospecter, connaître le marché… Sans oublier une appétence pour le digital ! En effet, depuis la crise de la Covid-19, il y a davantage de rendez-vous par e-mail, visio et téléphone, et donc moins de relationnel terrain.
Accéder à ces postes de conseillers peut se faire à partir de Bac + 3 : une L3 ou un BTS Acse complété d’une licence généraliste ou agricole. Certaines banques exigent que le candidat Bac + 3 valide d’abord le parcours « particulier » pour pouvoir aller vers l’agricole ensuite. D’autres banques préfèrent toutefois le niveau Bac + 5 ou un master pour ce poste. Il est aussi possible d’accéder à des postes d’alternants, souvent pour assister un conseiller auprès des particuliers, agricoles ou professionnels. Les banques forment ainsi un vivier de potentiels conseillers à venir !
En interne, des banques font passer des titres certifiants de niveau 6, avec 35 jours de formation sur le domaine professionnel et agricole. Ils proposent aussi des modules à la carte, sur l’analyse financière, la connaissance du marché ou le risque de crédit par exemple. Les collaborateurs sont recrutés avec des statuts « techniciens-agents de maîtrise ». Le salaire moyen d’une jeune recrue s’établit, selon l’âge et l’expérience, entre 25 et 35 K€ brut annuel.

Les associations et centres de gestion agréés proposent également des postes de conseillers, avec une moindre dimension commerciale. Quelles sont les différences entre ces deux types de postes ?
G. L. : Ces structures spécialisées dans la gestion cherchent de plus en plus à orienter les métiers des conseillers vers du « conseil pur ». En effet, les métiers de saisie et traitement de données sont de plus en plus digitalisés.
De plus, en 2024, avec l’apparition de la facturation électronique, certains métiers vont être amenés à disparaître. Inversement, nous allons voir apparaître de nouveaux métiers comme ceux de data-contrôleur, qui ne nécessitent pas d’avoir de grandes notions en comptabilité et agricole, mais plutôt des notions de contrôle et d’informatique.
Dans ces structures, qui réservent leur service aux agriculteurs, mais aussi aux artisans, commerçants, professions libérales, associations, officient des comptables, des conseillers d’entreprise, des assistants comptables, et des experts-comptables. Les conseillers d’entreprises agricoles orientent leurs missions sur l’installation, la transformation et la transmission. Ils peuvent être spécialisés dans l’environnement et dans la protection sociale et retraite.

Que recherchent plus particulièrement ces recruteurs ?
G. L. : Sur les métiers de conseillers d’entreprise et de comptables, les recrutements se font principalement à Bac + 3 ou Bac + 4 avec une formation comptable type DCG (diplôme de comptabilité et gestion) et DSCG (diplôme supérieur de comptabilité et de gestion). Le niveau de BTS Acse n’est pas suffisant, les techniques comptables sont peu connues des jeunes diplômés. Il semble que seule l’Ihedrea propose une formation spécifique agricole.
Les format ions d’expert-comptable sont aujourd’hui très généralistes et donc très éloignées du secteur agricole. Certaines structures recrutent leurs experts-comptables en alternance et les accompagnent afin de pouvoir les former sur les spécificités du monde agricole et de les garder en CDI à leur sortie de formation.

Voici quelques sites où trouver des informations sur les métiers de la banque, assurance, gestion et finance :
• www.agrorientation.com
• www.observatoire-metiers-banque.fr
• www.fbf.fr
• www.metiers-assurance.org
• www.economie.gouv.fr/facileco/assurance-assureurs-mediation


Propos recueillis par Amélie LAVOISIER (Cahier expert « L’emploi dans la gestion et la finance », 2022)