De réelles opportunités pour évoluer dans sa carrière vitivinicole

L’Apecita a mis en place un réseau de référents parmi ses conseillers, dont le but est d’apporter aux candidats une vision sur l’état du marché, sur les débouchés et sur les problématiques de chaque filière. Stéphanie Méaude, Morgane Prost et Laurence Stephan nous apportent leur éclairage sur la filière vitivinicole.

Quels sont les principaux métiers de la filière vitivinicole ?
Laurence Stephan : Il existe en réalité deux filières dans la filière : la viticole et la vinicole. La première a pour but la culture du raisin. Les principaux métiers représentés sont les ouvriers viticoles, pour certains tractoristes (conducteurs de tracteurs enjambeurs) et les chargés des plantations, de la culture, de l’entretien de la vigne et des vendanges. On trouve également des chefs d’équipe et des responsables de vignoble, qui, en plus de la participation au travail de la vigne, sont également en charge d’organiser le travail, de manager et de travailler en lien avec les équipes en cave et/ou les équipes de direction, pour élaborer un raisin correspondant aux attentes des spécificités des maisons et domaines. La seconde a, quant à elle, pour rôle la transformation du raisin en vin. L’un des principaux métiers est l’agent de chai ou le caviste, qui est chargé des différents travaux de la cave : process d’élaboration du vin, habillage des bouteilles et conditionnement. Les maîtres de chai ou les chefs de cave doivent, en plus de la participation à ces différents travaux, organiser le travail, manager et travailler avec les équipes du vignoble et/ou les équipes de direction. On retrouve également l’œnologue, dont le rôle est non seulement d’assembler des vins issus de cépages différents mais aussi d’optimiser les différentes étapes de vinification, d’élevage et de mise en bouteille.
Stéphanie Méaude : Il est important de préciser que, en fonction de la taille très variable des exploitations, les ouvriers et les techniciens peuvent exercer à la fois sur la partie viticole et sur la partie vinicole. Par ailleurs, toujours en fonction de la taille des exploitations, les directeurs techniques ou les directeurs d’exploitation sont chargés d’encadrer les différentes équipes, de la gestion technique ou globale, de la veille sur les nouvelles techniques culturales ainsi que de leur mise en œuvre. Enfin, d’autres métiers plus transverses viennent compléter la liste : cariste, technico-commercial (en vin et en agrofourniture), commercial à l’export, conseiller viticole, expérimentateur…

Ces différents postes sont-ils accessibles à tous les niveaux de formation ?
L. S. : Si certaines tâches à la vigne peuvent être effectuées sans qualification particulière (comme le relevage, le palissage ou les vendanges), le métier d’ouvrier viticole nécessite des formations allant du CAP agricole au niveau bac + 2/3 et des qualifications comme le certificat de taille ou le Certiphyto (qui permet l’utilisation de produits phytosanitaires). Les métiers de chef d’équipe et de responsable de vignoble sont généralement accessibles à des niveaux allant du bac (avec expérience) au bac + 5. À la cave, les postes d’agent de chai requièrent des diplômes se situant entre le bac et le niveau bac + 2/3. En revanche, pour devenir œnologue, il est indispensable d’être titulaire du DNO (diplôme national d’œnologue), qui correspond à un niveau bac + 5. Enfin, pour les postes de direction, le niveau bac + 5 est requis avec une expérience dans le secteur vitivinicole.
Les métiers en conseil et en expérimentation sont également généralement accessibles à un niveau bac + 5. Pour les commerciaux, les formations requises varient du bac + 2 au bac + 5.

Quelles sont les compétences attendues par les recruteurs ?
Morgane Prost : Que ce soit dans un domaine particulier ou dans une cave coopérative, les employeurs du secteur attendent en premier lieu des compétences théoriques et techniques, aussi bien dans la conduite du vignoble (connaissance du cycle cultural de la vigne, reconnaissance des maladies, connaissance des différentes tailles, conduite d’enjambeurs…) que dans l’élaboration du vin (différentes étapes de la vinification, mise en bouteille…). Ils attendent également des compétences plus personnelles
: sens de l’observation et réactivité. Il faut également être conscient que le travail du vignoble nécessite de bonnes conditions physiques et un goût pour le travail en extérieur, et ce, même en saison hivernale !
S. M. : Pour les commerciaux en agrofourniture, les recruteurs recherchent des profils avec une forte technicité pouvant comprendre les problématiques des viticulteurs. Que ce soit dans le conseil ou dans le commerce, les qualités personnelles (les capacités d’analyse, de synthèse et d’écoute, par exemple) sont indispensables.

Les entreprises de la filière offrent-elles des perspectives d’évolution ?
L. S. : Il est tout à fait possible d’évoluer dans sa carrière vitivinicole. Ainsi, les ouvriers viticoles et les cavistes peuvent avoir accès à des postes d’encadrement intermédiaire après quelques années d’expérience. Par ailleurs, on voit aussi des ouvriers viticoles évoluer vers les fonctions en cave, ou encore des responsables vignobles ou des maîtres de chai se diriger vers le poste de directeur technique. L’expérience ou la formation continue permettent ces différentes évolutions. Les profils terrain peuvent également évoluer vers le métier de commercial.

Globalement, comment se porte le marché de l’emploi dans la filière ? Est-il actif dans toutes les régions ?
S. M. : Le marché de l’emploi lié à la filière s’illustre dans les grandes régions viticoles françaises que sont notamment la Champagne, la Bourgogne, le Bordelais, le Languedoc-Roussillon, la Provence, les Côtes du Rhône ou bien encore l’Alsace et les Pays de la Loire. Les offres d’emploi enregistrées par l’Apecita dans la filière sont plutôt stables et représentent environ 10 % du marché de l’emploi agricole et agroalimentaire, sans compter les emplois saisonniers. Cependant, il faut savoir, et c’est encore plus vrai pour certaines régions comme la Champagne et le Bordelais, que certains postes, notamment ceux liés à l’œnologie, sont accessibles presque uniquement par le biais des réseaux professionnels.

Existe-t-il des métiers dits « en tension » où les employeurs connaissent des difficultés à recruter et si oui, comment l’explique-t-on ?
L. S. : Effectivement, si certains métiers liés à la cave sont moins faciles d’accès pour les raisons évoquées plus tôt (mais également à cause d’une concurrence importante), certains postes liés au vignoble sont difficiles à pourvoir. C’est le cas pour les conducteurs d’enjambeurs ou les technico-commerciaux d’agrofourniture à destination des viticulteurs, par exemple. Dans le premier cas, les difficultés de recrutement s’expliquent notamment par le fait que peu de tractoristes possèdent les compétences en conduite et en réglages de précision, dans des conditions parfois difficiles (terrains en pente, surfaces particulières…). Dans le cas des technico-commerciaux en agrofourniture, il faut prendre en compte que les fonctions du commerce n’attirent pas beaucoup. De plus, les commerciaux plus généralistes qui postulent ne possèdent pas une connaissance de la vigne pourtant indispensable.

Voit-on se développer de nouveaux métiers, des métiers d’avenir ?
M. P. : Ce sont en réalité les métiers ainsi que les techniques culturales et de process qui évoluent. Même si la filière veille à certaines traditions régionales : différentes tailles spécifiques, vendanges exclusivement manuelles en Champagne… Elle n’en est pas moins attentive aux évolutions techniques. La filière doit prendre en compte les évolutions réglementaires environnementales mais aussi l’essor des vins du Nouveau Monde.
S. M. : Les entreprises sont aussi de plus en plus conscientes de leur responsabilité sociale et environnementale. La nature et l’humain rentrent en compte dans l’évolution des pratiques. Sur les propriétés, notamment dans le Bordelais, on voit se développer les techniques de biodynamie, les travaux du sol tractés par des chevaux, la tonte de l’herbe par des moutons… Beaucoup d’entre elles ont converti tout ou une partie de leur vignoble en agriculture biologique, sans pour autant demander la certification.
L. S. : L’œnotourisme est également en plein essor. Si les initiatives étaient relativement isolées il y a encore quelques années, cette activité est en pleine structuration. Des formations se développent pour préparer les étudiants aux métiers de ce secteur (chargé de projet oenotouristique, chargé d’animation, chargé de communication et de promotion…) qui peuvent s’exercer dans des structures telles que des offices du tourisme, des comités régionaux du tourisme, des caves coopératives ou des maisons indépendantes.

Propos recueillis par Aude Bressolier (Cahier Expert "Vigne et vin", 2019)