L’horticulture ornementale : une filière innovante qui peine à recruter
Quels sont les débouchés dans le secteur de l’horticulture ornementale ? Quelles sont les compétences recherchées par les recruteurs ? Quels seront les métiers de demain ? Autant de questions auxquelles répondent Elisa Ratinet, Nathalie Riou et Cécile Millet, de l’APECITA.
Quels sont les principaux débouchés qu’offre la filière de l’horticulture ornementale ?
Cécile Millet : Avant toute chose, il est important de bien définir ce que l’on entend par « horticulture ornementale ». En France, l’horticulture se divise en plusieurs sous-filières : les fruits, les légumes et les plantes d’ornement. Dans ce cahier expert (1), nous nous concentrons exclusivement sur l’horticulture ornementale, c’est-à-dire des espèces et variétés de plantes cultivées pour leurs qualités d’agrément, voire leur attrait esthétique, plutôt que pour leur valeur nutritive, médicinale ou industrielle. Cela englobe les plantes en pots ou à massifs, les jeunes plants, les plantes de pépinières, les jeunes plants de pépinières, les vivaces et aromatiques, les fleurs coupées, les bulbes ou encore les feuillages décoratifs.
La filière est donc constituée de l’ensemble des activités professionnelles autour de ces produits, de la création variétale à l’analyse des préférences de consommation, en passant par la recherche, la production, la commercialisation, le conseil, la qualité, la formation, le conditionnement et la logistique.
Elisa Ratinet : Cette filière offre une diversité de métiers notamment dans le secteur de la production : l’horticulteur qui va cultiver les plantes en pleine terre, le floriculteur spécialisé dans les plantes vertes et florales et le pépiniériste pour les végétaux d’extérieur. On trouve également d’autres intervenants dans la production : l’agent horticole, l’agent pépiniériste, le chef de culture…Il y a également tous les métiers liés à la distribution, à la vente et à l’expédition des végétaux. On peut citer le vendeur en jardinerie, le technico-commercial, le directeur des ventes, le préparateur de commandes, le responsable des expéditions… Sans oublier les métiers de la R&D comme l’ingénieur de recherche, le technicien d’expérimentation…
À quels niveaux de diplômes ces différents métiers sont-ils accessibles ?
Nathalie Riou : Ces métiers très diversifiés sont accessibles à tous les niveaux de formation, du CAP agricole à l’ingénieur, en passant par le Bac pro et le BTSA, voire à des personnes sans qualification qui ont plutôt un profil autodidacte. On notera que l’horticulture ornementale est un secteur qui recrute principalement en production. C’est pourquoi les niveaux peuvent aller du CAP/BEP au BTSA, en fonction du niveau de responsabilité demandé.
Les formations BTSA sont appréciées, car les employeurs misent avant tout sur des profils techniques. En effet, les exigences sociétales et environnementales, le manque de main-d’œuvre, ou encore la volonté de réduire les coûts de production (eau, énergie, intrants) poussent les exploitations horticoles à aller vers de la haute technicité.
Pour les postes liés au commerce, les recruteurs recherchent en priorité des profils à partir de Bac + 2. Dans le monde de la jardinerie, le niveau Bac (type Bac pro technicien conseil vente de produits de jardin) peut être suffisant pour postuler à un poste de conseiller-vendeur. De plus, il ne faut pas oublier toutes les formations qualifiantes qui ne correspondent pas forcément à un niveau de diplôme, mais sont recherchées par les recruteurs, par exemple, le certificat de qualification professionnelle (CQP) vendeur conseil magasin Lisa ou CQP responsable magasin Lisa. Enfin, le secteur de l’expérimentation recrute souvent des BTS et des ingénieurs. Si on retrouve tous les niveaux de diplômes dans la filière, on constate que les entreprises sont à la recherche de personnel de plus en plus qualifié. Parmi les offres diffusées par l’APECITA en 2021, les diplômes les plus recherchés en horticulture étaient le Bac + 2 (53 % des offres), le Bac + 3/4 (29 %) et le Bac + 5 (27 %).
Quels sont les principaux atouts de cette filière ?
C. M. : Au-delà du fait d’offrir une grande diversité de métiers, l’horticulture ornementale est une filière où les possibilités de promotion sont réelles : il n’est pas rare que les salariés sans qualification gravissent les échelons en interne, en étant formés sur place. Les ouvriers peuvent ainsi accéder à des postes de chef d’équipe après plusieurs années d’expérience. La formation professionnelle tout au long de la vie permet également de compléter son champ de connaissances et de compétences.
C’est aussi un secteur qui innove constamment pour créer de nouveaux produits et répondre aux attentes des consommateurs. Pour cela, il bénéficie d’une dynamique de recherche et de développement très importante à travers des structures telles que l’Inrae, le pôle de compétitivité Végépolys ou encore l’institut technique Astredhor. Un autre aspect positif de la filière est sa grande sensibilité à la protection de l’environnement, notamment à la limitation de l’emploi des produits phytosanitaires. Ainsi, d’importants efforts sont faits pour une transition vers la lutte intégrée, la prévention des maladies par l’observation et le recours à la lutte biologique. On peut citer la certification environnementale et sociale française « Plante Bleue ». Créée par l’interprofession Val’hor, et reconnue par les pouvoirs publics, elle identifie les végétaux d’ornement (arbres, plantes, fleurs) produits de manière écoresponsable. Plante Bleue certifie que les horticulteurs et pépiniéristes respectent un cahier des charges strict et précis visant à limiter les impacts environnementaux en attestant de leurs bonnes pratiques.
Quelles sont les compétences et les qualités recherchées par les recruteurs ?
E. R. : Le diplôme et l’expérience jouent un rôle essentiel dans le processus de recrutement. Cependant, depuis quelques années, les softs kills (aussi appelées capacités comportementales) prennent une place de plus en plus importante et peuvent faire une vraie différence. En effet, l’aisance relationnelle (fort esprit d’équipe, sens du service…), la capacité d’évolution et d’adaptation ou encore les capacités de management sont particulièrement appréciées par les recruteurs. Il est à noter que les jeunes diplômés trouvent facilement un premier emploi. Leur expérience de terrain, durant laquelle ils développeront des compétences techniques (connaissances des végétaux, gestes techniques…), leur permettra d’évoluer vers des postes à responsabilités techniques et/ou managériales. De manière générale, les métiers de l’horticulture, notamment en production, s’adressent à tous les amoureux de la nature et de la vie en plein air, à condition qu’ils aient suivi une formation technique. Ils demandent de la disponibilité et une bonne condition physique. Pour l’expérimentation, outre les qualités d’observation, ce sont surtout des compétences liées aux connaissances en biologie qui peuvent être recherchées.
N. R. : Pour les postes liés au commerce, les recruteurs recherchent des personnes motivées et ayant de bonnes aptitudes relationnelles tout en possédant aussi un bon bagage technique. Comme cette double compétence n’est pas toujours facile à trouver, il n’est pas rare de voir des employeurs préférer embaucher des personnes maîtrisant les aspects techniques pour les former, en interne, à la négociation commerciale. L’inverse existe également. Mais c’est plutôt le cas des structures de taille importante qui mettent en place un parcours de formation dédié à la technique des produits. Dans le secteur de la distribution végétale, on remarque également que les attentes des recruteurs varient suivant les clients. Ainsi, une même entreprise, qui commercialise des végétaux aussi bien auprès d’enseignes professionnelles que de la grande distribution, pourra préférer un profil technique dans le premier cas et un profil commercial dans le second.
Existe-t-il des métiers où les employeurs connaissent des difficultés à recruter ?
E. R. : L’horticulture ornementale reste une filière en tension d’un point de vue de l’emploi. Cela concerne tous les maillons de la chaîne : de l’ouvrier au responsable d’unité de production en passant par le chef de culture ou le commercial… et donc tous les niveaux de formation. Ces difficultés de recrutement sont d’ailleurs souvent un frein au développement des entreprises. Pour pallier cela, certaines d’entre elles misent sur le déploiement de l’apprentissage.
Globalement, comment le marché dans la filière se porte-t-il ? A-t-il souffert de la crise sanitaire ?
C. M. : Avec près de 20 000 entreprises (dont 80 % dans le secteur de la commercialisation) et un chiffre d’affaires global dépassant les 9 milliards d’euros, l’horticulture ornementale reste un secteur dynamique qui emploie plus de 70 000 personnes. Si les bassins de production sont très localisés dans certaines régions, les postes liés au commerce sont, quant à eux, ouverts sur l’ensemble du territoire.
N. R. : Lorsque la crise sanitaire a frappé le monde de plein fouet, l’ensemble de la filière horticole a été sévèrement touché, aussi bien du côté production que du côté transport et vente. Pourtant, le marché des plantes en pot s’est développé. Durant le confinement, les ventes se sont rapidement déportées sur l’e-commerce, avec un engouement prononcé pour la livraison. Le marché local français a également été favorisé durant cette période, s’affranchissant ainsi des nouvelles restrictions sur les échanges horticoles internationaux.
Voit-on se développer de nouveaux métiers, des métiers d’avenir ?
C. M. : Plutôt que des métiers qui émergent, ce sont les métiers existants qui évoluent. L’horticulture et les pépinières doivent répondre aux exigences du marché interne, c’est-à-dire aux aspirations des consommateurs de plus en plus tournées vers l’environnement et la nature, mais aussi à la mondialisation des marchés qui oblige les entreprises à être de plus en plus compétitives. C’est un secteur qui doit donc développer ces performances techniques et maîtriser ces coûts : développement de la lutte raisonnée, régulation climatique des serres…
E. R. : La crise sanitaire a également eu un impact important sur l’évolution des entreprises et des métiers. En matière de vente, les entreprises qui s’en sont le mieux sorties sont celles qui ont intégré le digital dans leur business model. Si l’achat en ligne et les services de livraison étaient déjà une tendance croissante auparavant (aussi bien pour les particuliers que pour les professionnels !), elle n’a fait que s’accélérer. Proposer des options de livraison et d’achat sur Internet va devenir la norme du secteur horticole et les entreprises auront besoin de profils spécifiques sur ces questions pour les accompagner.
Il apparaît enfin que le marketing devient de plus en plus nécessaire pour stimuler la demande en fleurs et en plantes ornementales.
Propos recueillis par Aude Bressolier (Cahier expert "L'horticulture ornementale, 2022")
(1) L’APECITA a édité en 2020 un cahier expert dédié à la filière fruits et légumes. Il est consultable librement sur le site www.apecita.com