Une filière aux multiples innovations

Quels sont les débouchés de la filière des grandes cultures ? Quelles sont les compétences recherchées par les recruteurs ? Quels seront les métiers de demain ? Autant de questions auxquelles répondent Emanuelle Bergoënd et Marie-Pierre Mourocq-Marie, référentes en grandes cultures à l’Apecita.

Quels sont les principaux métiers qu’offre la filière des grandes cultures ? Et à quels niveaux de diplôme sont-ils accessibles ?
Emanuelle Bergoënd : La filière des grandes cultures offre de réelles opportunités de carrière, aussi bien sur les exploitations ou les productions de semences, que dans les coopératives, les négoces, ou encore les instituts techniques, les organisations professionnelles agricoles…
De la production à la commercialisation, en passant par le conseil et la recherche et le développement, elle propose de nombreux métiers, accessibles par la voie initiale, par alternance ou par la formation continue, sur des formations diplômantes de niveau CAP à ingénieur/master et des formations qualifiantes.
Marie-Pierre Mourocq-Marie : Nous retrouvons ainsi de nombreux emplois en production : salarié agricole, conducteur d’engin et mécanicien en exploitation agricole, responsable d’exploitation, mais également des postes de chef de culture, de chef de silo… Dans notre filière, qui est en constante évolution, ces métiers demandent toujours davantage de qualifications et de compétences, notamment au niveau technologique. Aujourd’hui, le niveau bac à bac + 2 est souvent recherché, jusqu’à un niveau ingénieur, pour des postes d’encadrement dans de grandes exploitations. En recherche et développement, de nombreux postes sont également proposés : les ingénieurs de recherche, fortement impliqués dans des échanges permanents avec l’environnement technique, scientifique, économique et réglementaire ; les métiers en lien avec la sélection et les semences, mettant au point de nouvelles variétés de céréales ; les techniciens expérimentation grandes cultures, dotés de très bonnes connaissances en agronomie, en productions végétales et en statistiques. Les titulaires de BTS et de licences professionnelles spécialisées restent très prisés par les entreprises, ainsi que le niveau bac + 5 pour des postes d’ingénieur d’expérimentation. En matière de conseil, nous trouvons des postes de technicien culture, de conseiller ou de chargé de mission agronomie, de conseiller économique. Le niveau ingénieur/ master est souvent recherché, non seulement en raison du développement technique de la filière, mais aussi pour pouvoir accompagner les producteurs de mieux en mieux formés. Enfin, les métiers de la commercialisation (technico-commercial/ conseiller agronomique préconisateur, commercialisation du grain, par exemple) demandent de réelles compétences agronomiques pour faire face à la montée en puissance des enjeux technologiques, réglementaires et environnementaux. Le niveau de formation demandé varie du bac + 2 au bac + 3.
E. B. : Nous pouvons cependant noter que les niveaux de formation généralement attendus pour certains postes ne sont pas les seuls critères à la décision. Ces niveaux peuvent évoluer au cours du processus de recrutement, en fonction de la diversité des candidatures reçues et de leur nombre.

Quelles sont les compétences et les qualités qui peuvent séduire les recruteurs ?
E. B. : La filière des grandes cultures, de par sa technicité croissante, requiert une qualification pointue tout d’abord dans le domaine de l’agronomie et des techniques culturales. Pour évoluer dans le secteur, il s’avère également nécessaire de maîtriser l’utilisation des outils d’aide à la décision, en fort développement. Les exploitations ont également de plus en plus recours à du matériel sophistiqué, avec des engins dotés d’appareils de guidage, d’outils électroniques embarqués, dont il est nécessaire de connaître le fonctionnement. Le candidat curieux de ces nouvelles technologies peut avoir plus de chances de se démarquer.
M.-P. M.-M. : Le savoir être est indissociable des savoirs et du savoir-faire, et les recruteurs y sont de plus en plus sensibles. Ces trois concepts s’influencent les uns les autres. Aujourd’hui, des qualités telles que la curiosité intellectuelle, l’autonomie, le sens des responsabilités, la capacité d’adaptation aux évolutions des pratiques culturales, le sens de l’observation et de l’analyse sont indispensables pour travailler et pour évoluer dans cette filière.

Existe-t-il des métiers où les employeurs connaissent des difficultés à recruter ?
E. B. : Si la filière reste toujours pourvoyeuse d’emplois, il persiste des difficultés de recrutement sur certains postes. C’est notamment le cas pour les techniciens d’expérimentation. Depuis une dizaine d’années, on note dans certaines régions une diminution du nombre de candidatures sur ces fonctions généralement accessibles à des niveaux bac + 2. Si on prend l’exemple d’une classe de BTSA APV (agronomie productions végétales), certains diplômés vont faire le choix de l’installation, d’autres vont opter pour une poursuite d’études en licence pro ou en master. Seule une partie de chaque promotion se retrouve finalement sur le marché de l’emploi, et bénéficie donc d’un large panel de métiers vers lesquels se diriger.
M.-P. M.-M. : Les postes de technico-commerciaux, qui requièrent une double compétence, technique et commerciale, restent difficiles à pourvoir. Les personnes ayant fait le choix de la filière végétale le font souvent par goût de la technique, et non pour l’aspect commercial. La compétence commerciale peut s’acquérir sur le terrain, si la personne dispose d’une aptitude à la négociation et d’un bon sens du relationnel.

De nouveaux métiers sont-ils en train de se développer ?
E. B. : Même si cela n’est pas forcément visible pour le consommateur final, la filière des grandes cultures est en constante évolution. Les producteurs sont à la recherche d’innovations qui leur permettent de gagner en efficience tout en s’adaptant aux contraintes climatiques, aux attentes environnementales et à l’exigence des marchés. L’émergence de nouvelles pratiques (protection intégrée des cultures, agriculture de précision, cultures de diversification…) a forcément un impact sur les compétences que doivent développer les exploitants et ceux qui les accompagnent au quotidien.
Nous pouvons citer également les métiers liés à l’utilisation des données (big data) comme les agrostatisticiens ou les data scientist qui contribuent au développement de nouveaux outils stratégiques.
M.-P. M.-M. : Dans un contexte d’internationalisation du marché des céréales, citons les métiers de courtier en matières premières, de trader à l’export, d’analyste de marché, dans des cabinets de conseil ou dans des coopératives ou des négoces. Ces métiers impliquent la connaissance de langues étrangères, et plus particulièrement de l’anglais. Ainsi, pour répondre aux exigences du marché, de nouveaux postes émergent, liés à la qualité, à la traçabilité, au stockage des céréales…

Les cinq atouts de la filière
Un secteur pourvoyeur d’emplois.
Des métiers diversifiés : de la production à la commercialisation en passant par la recherche, l’expérimentation, le conseil…
Une filière innovante : nouvelles techniques culturales, nouveaux modes de production, matériel de plus en plus sophistiqué…
Un milieu passionnant pour les férus d’agronomie.
Un domaine qui cherche à répondre aux attentes sociétales et environnementales.

 

Propos recueillis par Aude Bressolier (Cahier expert « Grandes cultures », 2019)