Des recruteurs sensibles à l’expérience et à la motivation
Marie-Josée Laconde de l’Apecita et Charlène Lourd, conseillère emploi/formation à équi-ressources, nous apportent leur éclairage sur le marché de l’emploi dans la filière équine.
Quels sont les principaux métiers de la filière équine ?
Charlène Lourd (équi-ressources) : La filière équine a pour particularité de se diviser en plusieurs secteurs d’activité : le sport-loisir, l’élevage et les courses hippiques sont les principaux employeurs de la filière, même si on compte également des emplois dans le secteur de la traction animale, de la viande et de la médiation-insertion. Globalement, le secteur du sport-loisir, composé en grande majorité par les centres équestres et les écuries de sport, représente 52 % du marché de l’emploi. Il est suivi par celui des courses (30 %), qui englobe les établissements d’entraînement de chevaux et les centres de débourrage et de pré-entraînement.
Marie-Josée Laconde (Apecita) : On peut également parler des métiers annexes comme les emplois dans le domaine de la santé animale (vétérinaire, ostéopathe, dentiste…), du commerce (vendeur de produits équins…) ou encore de l’animation de la filière (chargé de projet, chargé de communication…)
C.L. : D’ailleurs, on remarquera que sur les 2 882 offres d’emploi collectées par équi-ressources en 2017, un métier en lien indirect avec le cheval, celui de commercial/vendeur, apparaît pour la première fois dans le top 6 (voir encadré).
Top 10 des métiers qui recrutent En 2017, équi-ressources a diffusé 2 282 offres d’emploi dont : • 30 % en Normandie • 14 % en Île de France • 12 % en Pays de la Loire Deux métiers trustent les premières marches du podium des métiers qui recrutent : 1- Palefrenier soigneur/Garçon de cour : 648 offres 2- Moniteur d’équitation : 608 offres 3- Cavalier d’entraînement (galop) : 199 offres 4- Cavalier soigneur : 191 offres 5- Lad driver/Lad jockey (trot) : 118 offres 6- Commerce/Vente : 115 offres 7- Assistant d’élevage : 110 offres 8- Cavalier débourrage/Pré-entraînement (galop) : 99 offres 9- Groom/Garçon de voyage : 94 offres 10- Accompagnateur de tourisme équestre : 94 offres |
Quels sont les principaux atouts de cette filière en termes de métiers ?
C.L. : La filière équine présente le principal atout d’offrir des environnements de travail attrayants. On est souvent dans des métiers-loisir. Cependant, cet atout peut se révéler être un leurre car la passion n’est pas suffisante pour travailler dans la filière équine. Les conditions de travail y sont souvent rudes (travail en extérieur, pénibilité physique, horaires larges et travail les dimanches, etc.). Aussi, la filière présente l’avantage de proposer une multitude de métiers pouvant convenir à un grand nombre de profils. Des passerelles sont possibles entre les secteurs et les métiers permettant des évolutions professionnelles, très lisibles dans le secteur des courses hippiques.
Quelles sont les qualités et les compétences qui peuvent « séduire » les recruteurs ?
C.L. : Les recruteurs sont plus sensibles à l’expérience et à la motivation qu’au seul diplôme. Bien évidemment, ce dernier reste important. Ainsi, le BPJEPS(1) est obligatoire pour postuler un emploi d’enseignant d’équitation dans un centre équestre. Les entreprises recherchent donc des candidats motivés, avec une conscience professionnelle certaine et disposant d’un bon niveau équestre. Elles attendent également de bonnes connaissances en débourrage, en toilettage ou encore en entretien du matériel. Elles sont aussi de plus en plus attentives au fait que les candidats disposent d’un permis : au minimum le permis B. Mais avoir un permis C (poids lourd) ou BE (remorque) supplémentaire reste un vrai plus sur le marché de l’emploi. Les recruteurs sont également de plus en plus nombreux à constater un décalage entre leurs attentes et l’expérience réelle des candidats Ces derniers ont parfois une vision décalée du métier. Face à ce « manque d’expérience », la voie de l’apprentissage peut faciliter l’intégration.
Existe-t-il des métiers dits « en tension » où les employeurs connaissent des difficultés à recruter ?
C.L. : On constate en effet des difficultés de recrutement sur certains métiers, tant sur le manque de candidatures que sur le manque de compétences. En effet, nous distinguons les métiers dits « en tension » car l’offre d’emploi reçoit moins de cinq candidatures (maréchal-ferrant, cavalier de débourrage pré-entraînement, animateur) des métiers « en tension » par manque d’adéquation entre l’attente des employeurs et les profils des candidats (cavalier d’entraînement, cavalier de concours et groom). Les offres salariées de maréchaux sont difficiles à pourvoir car les jeunes diplômés préfèrent s’installer à leur compte plutôt que de prendre un poste de salarié dans une entreprise de maréchalerie ou au sein d’une écurie. Chez les enseignants d’équitation, il existe un important turnover. En Languedoc-Roussillon, une étude réalisée par l’Observatoire métiers emploi formations filière équine (OMEFFE) d’équi-ressources a estimé que sur les diplômés des cinq dernières années du BPJEPS activités équestres, six personnes sur dix travaillent en tant qu’enseignant d’équitation aujourd’hui (en tant que salarié ou à leur propre compte) ; cependant, un quart d’entre eux souhaitent changer de métier voire de filière dans les cinq années à venir, soit une génération d’enseignants qui disparaît tous les 20 ans. Les raisons principales à cette volonté de reconversion sont le faible niveau de rémunération, la conjoncture économique (difficulté d’embauche des employeurs, peu de postes disponibles à proximité des lieux de résidence) ou encore la réalité du métier (exigences physiques). Dans le secteur des courses, les postes de cavaliers de débourrage et de pré-entraînement peinent à être pourvus. Ce métier n’est pas officiellement reconnu, il n’existe donc que très peu de centres de formation qui préparent à cette activité. Il est d’ailleurs très conseillé de se former auprès des écoles des courses hippiques pour y apprendre les rudiments de la discipline. Les postes de cavalier d’entraînement trouvent également difficilement preneurs, en raison à la fois des risques liés à l’exercice du métier mais aussi des conditions de travail. On constate également, sur ce type de poste, un important turnover. Il faut savoir que c’est un travail difficile et exigeant. C’est aussi un secteur qui est marqué par une saisonnalité des activités. Il n’est pas rare de voir un cavalier d’entraînement changer de région au cours de l’année.
Voit-on se développer de nouveaux métiers, des métiers d’avenir ?
C.L. : Récemment reconnu, le métier d’équicien (professionnel de la médiation équine) se répand de plus en plus auprès de structures équestres. Souvent à leur compte, ces professionnels du cheval et de la personne ne font pas encore l’objet de recrutement de la part des employeurs. Pour exercer ce métier, il est indispensable de se former auprès d’établissements agréés (Equit’aide (54)). Dans le secteur des courses, les propriétaires et les entraîneurs font également de plus en plus appel à des cavaliers de débourrage et de pré-entraînement. Les centres de pré-entraînement (préparation du cheval avant l’entraînement pour les hippodromes), qui se développent de façon exponentielle, recherchent quotidiennement du personnel capable de débourrer et de préparer les jeunes chevaux à leur future carrière sportive.
M-J.L. : On constate une augmentation des offres de formation et des demandes de candidats dans le domaine du cheval dans les travaux agricoles ou forestiers ou de son utilisation dans les villes (transport des personnes, ramassage des ordures…) Mais les offres d’emploi dans ces secteurs sont encore rares. Il est peut-être encore trop tôt pour parler réellement de « nouveaux métiers. »
(1) Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport
Propos recueillis par Aude Bressolier (Cahier expert « Filière équine, 2018)