L’agroalimentaire : premier employeur industriel français
L’Apecita a mis en place un réseau de référents, parmi ses conseillers, dont le but est d’apporter aux candidats ainsi qu’aux entreprises une vision sur l’état du marché. Pour ce cahier expert, Brigitte Diez, Annie Jestin et Isabelle Guyon nous apportent leur éclairage sur cette filière qui, avec plus de 427 000 salariés et plus de 170 milliards d’euros de chiffre d’affaires, représente le premier secteur industriel français.
Quels sont les principaux métiers de la filière agroalimentaire, et quels sont les principaux diplômes pour y arriver ?
Annie Jestin : La filière agroalimentaire propose une très grande diversité de métiers. Les métiers de la production représentent environ 60 % des postes, de l’agent de production au directeur d’usine, en passant par le conducteur de lignes, le chef de fabrication, le responsable de planning/ordonnancement, le responsable de production… Des postes qui font appel à des niveaux de formation allant du CAP jusqu’au bac +8. On y trouve également les métiers de l’innovation et de la R&D (techniciens, ingénieurs R&D, formulateurs…) qui recrutent du bac +2 (BTS, DUT) au bac+5 (master, ingénieur) voire au bac+8. L’automatisation des processus de production implique de forts besoins en maintenance industrielle (technicien, électromécanicien, responsable maintenance...).
La qualité, l’hygiène, la sécurité et l’environnement sont également des problématiques centrales au sein des IAA, et nous trouvons donc logiquement des postes tels qu’animateur qualité, technicien qualité, technicien de laboratoire, animateur QHSE, responsable qualité. Une fois fabriqués, les produits doivent encore être vendus et expédiés, d’où les postes liés au commerce (attaché commercial, chef de secteur, télévendeur, qui recrutent du niveau bac +2 à celui de bac +5), au marketing (chef de produit, chargé d’études, chargé de packaging, responsable marketing, du niveau bac +3 à celui de bac +5) ou encore à la logistique (chauffeur, logisticien, responsable logistique, d’entrepôt…). Sans oublier toutes les fonctions supports indispensables au bon fonctionnement des entreprises (administration, comptabilité, contrôle de gestion, finance, ressources humaines, informatique…), qui sont des métiers faisant appel à des profils bac+2/3 minimum.
Quels sont les principaux atouts de cette filière en termes de métiers ?
Isabelle Guyon : L’agroalimentaire est un secteur d’activité qui regroupe des métiers passionnants au contact de matières vivantes, qu’il est possible de toucher, de goûter, contrairement à la plupart des produits de grande consommation. L’innovation y est permanente pour répondre aux nouvelles tendances de consommation, et chaque année voit le lancement de centaines de nouveaux produits. Les métiers y sont donc très diversifiés, et tout salarié peut facilement « basculer » d’un univers à l’autre. L’agroalimentaire se caractérise par une forte proportion de postes en production. Mais les perspectives d’évolution professionnelle sont véritablement ouvertes dans les entreprises.
La mobilité interne des salariés est d’ailleurs souvent privilégiée lorsqu’un poste est à pourvoir. L’entreprise peut offrir des opportunités variées, avec la possibilité de changer de service, de site ou d’accéder à un poste à responsabilités. À titre d’exemple, un conducteur de ligne peut devenir chef d’équipe, puis directeur de production.
Enfin, la polyvalence est de mise dans l’agroalimentaire où un salarié, notamment dans les petites structures, peut être amené à occuper deux postes, en R&D et qualité, par exemple.
Quelles sont les qualités et les compétences qui peuvent s’avérer « séduisantes » pour les recruteurs ?
A.J. : La connaissance du secteur agroalimentaire, et plus particulièrement du secteur d’activité de l’entreprise, est indispensable pour les postes qualifiés. Les compétences exigées varient ensuite en fonction du poste : en production, les recruteurs sont notamment en demande de compétences managériales, mais aussi de rigueur et de bonnes aptitudes physiques et relationnelles. En R&D, on demandera avant tout une ouverture d’esprit, de la créativité, une capacité d’adaptation et de communication mais également de la rigueur scientifique. Dans le domaine de la qualité, de l’hygiène et de la sécurité, le candidat devra bien connaître les différentes normes (ISO, IFS, HACCP), posséder des compétences liées au process, aux produits, et maîtriser parfaitement les outils informatiques. En maintenance, on demandera notamment de l’organisation, des compétences techniques en équipement et maintenance industriels et une capacité à proposer des améliorations pour le fonctionnement des lignes de production. Dans le domaine des achats, de bonnes capacités de négociation sont demandées.
Au-delà des compétences liées aux savoirs et savoir-faire, les recruteurs sont très sensibles au savoir être dans l’entreprise : le respect des horaires, des consignes, des règles d’hygiène et de sécurité. Sans oublier l’esprit d’équipe et la démonstration de sa motivation.
Existe-t-il dans l’agroalimentaire des métiers dits « en tension » où les employeurs connaissent des difficultés à recruter ?
Brigitte Diez : Les métiers de la maintenance et de l’automatisation ont beaucoup de mal à recruter sur des postes d’ouvriers à un niveau bac ou des postes de techniciens à bac +2/3. C’est également le cas sur les métiers de la fabrication, comme les postes de conducteur de ligne. On constate aujourd’hui que le métier de commercial commence à connaître quelques tensions. Si les entreprises ont moins de difficultés à recruter un chef de région à bac+5, il n’en est pas de même pour un poste de commercial « terrain » à bac+2. Pourtant, c’est un élément indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise, puisqu’il s’agit de la personne qui permet de générer du chiffre d’affaires. Parmi les métiers en tension, on peut également citer ceux d’agent et de technicien maintenance, d’opérateur de transformation des viandes, de conducteur d’installations automatisées et de boucher. D’autres métiers, comme préparateur de commandes, technicien de laboratoire ou contrôleur qualité, sont aussi prisés des entreprises.
À l’inverse, existe-t-il des métiers où les candidats sont bien plus nombreux que les postes à pourvoir ?
B.D. : Le secteur de la qualité reste un peu plus fermé en termes de débouchés au niveau national pour les niveaux bac +5, mais la tendance est beaucoup moins marquée qu’il y a trois ou quatre ans. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des ingénieurs avec plus de dix ans d’expérience postuler à des postes de contrôleur qualité, alors que le niveau requis est celui d’un technicien. C’est la même chose pour les postes en lien avec le marketing. Ce sont des métiers qui attirent, mais les débouchés ont évolué depuis une dizaine d’années. De plus, dans une structure qui emploie 200 à 400 personnes, il n’y aura qu’un seul poste de responsable marketing et un ou deux assistants marketing au maximum.
Voit-on se développer de nouveaux métiers, des métiers d’avenir ?
B.D. : Plus que de nouveaux métiers, je parlerais plutôt d’un élargissement des champs de compétences. C’est notamment le cas dans les PME où l’on demandera au candidat d’être polycompétent et adaptable. Ainsi le responsable qualité ne se limitera pas à des missions liées à la qualité, mais pourra également intervenir sur des questions liées à l’environnement, à la R & D, à la production et parfois même au recrutement… Dans certaines structures, on voit également apparaître des postes de pilote process ou de coordinateur. Le rôle est celui d’un « facilitateur » organisationnel et technique à l’interface de toutes les composantes de l’entreprise. Il doit préparer, planifier les différentes missions et coordonner les divers services sur le terrain avant le lancement d’un nouveau produit, par exemple. Enfin, on peut également citer les métiers plus en lien avec l’environnement et notamment l’eau via le traitement des effluents. Même si on sort du champ de compétences strictes des IAA, on remarque que de plus en plus de structures recherchent ce type de profils.
Les 5 atouts de la filière • Une industrie pourvoyeuse de nombreux emplois, notamment en production • Une industrie innovante offrant des métiers très diversifiés • Des perspectives d’évolution professionnelle ouvertes dans les entreprises • Une industrie participant au maintien de l’emploi dans les régions • Une filière forte à l’exportation, qui contribue à la promotion du modèle alimentaire français à l’étranger |
Propos recueillis par Aude Bressolier (Cahier expert « Agroalimentaire », 2018)