Un développement des emplois soutenu par une dynamique de conversion

Comment se porte le marché de l’emploi dans le secteur de l’agriculture biologique ?
Quels sont les principaux métiers de la filière ? Quelles sont les attentes des recruteurs ? Référentes à l’Apecita sur cette thématique, Anne Bonély et Irène Trouslard nous apportent leur éclairage sur toutes ces questions.

Avant toute chose, pourriez-vous définir ce qu’on entend par « agriculture biologique » ?
Irène Trouslard : Si on se réfère au dictionnaire de l’agroécologie développé par l’Inrae, l’agriculture biologique (AB) est un mode de production basé sur des pratiques agricoles qui excluent l’utilisation de biocides de synthèse et des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou des produits obtenus à partir d’OGM. Elle cherche également à limiter son impact environnemental en réduisant sa consommation d’intrants et d’énergie fossile mais aussi en valorisant les processus naturels tels que le recyclage des matières organiques. Concernant l’élevage, les animaux doivent être conduits en respectant une faible densité de chargement d’effectifs à l’hectare, nourris avec une alimentation d’origine biologique, soignés sans antibiotiques et leur bien-être doit être considéré grâce à une obligation de respect des conditions naturelles de vie, par exemple pâturage pour les bovins.
Anne Bonély : Le contrôle de ces opérations est effectué par l’un des organismes agréés par les pouvoirs publics depuis la production jusqu’à la commercialisation en passant par la transformation. Ces contrôles permettent l’obtention de la certification et du label AB garantissant le bon respect des règles inscrites dans le cahier des charges.

L’agriculture biologique semble connaître un fort développement au cours des dernières années ?
I. T. : En effet. Selon les derniers chiffres publiés par l’Agence Bio, sur les 5 dernières années, la progression des surfaces cultivées en bio varie entre 200 000 et 300 000 hectares supplémentaires engagés en bio chaque année : soit l’équivalent de la surface agricole moyenne d’un département français ! En 2020, ce sont ainsi 2,5 millions d’hectares qui étaient cultivés en bio (certifié ou en conversion), soit 9,5% de la surface agricole française. Au 1er janvier 2021, on ne dénombre pas moins de 53 255 fermes engagées en bio (+13 % par rapport à l’année précédente), soit près de 12 % des exploitations agricoles françaises. De même, on recense plus de 25 760 entreprises de l’aval (acteurs bio de la transformation industrielle et artisanale, conditionneurs, stockeurs et opérateurs du commerce bio de gros et de détail) engagées en bio fin 2020 (+12 % vs 2019). À noter que cette dynamique de développement des surfaces cultivées en bio se confirme dans toutes les régions, y compris dans les Outre-mer.

Quels sont les principaux métiers de la filière et quels sont les principaux diplômes pour y arriver ?
A. B. : Ce sont globalement les mêmes métiers qu’en agriculture conventionnelle. On peut tout aussi bien être conseiller technique en conventionnel comme en « bio ». On peut cependant citer le métier de certificateur en agriculture biologique, qui est lui, spécifique au secteur. De la production au conseil, en passant par la transformation, il est nécessaire d’avoir un bon bagage technique pour évoluer dans le secteur et, pour la grande majorité des emplois, de justifier d’un diplôme en agriculture ou en agroalimentaire. À noter qu’il existe aujourd’hui de plus en plus de formations à orientation AB, véritables passeports pour trouver un emploi.

Quels sont les principaux atouts de cette filière en matière de métiers ?
A. B. : C’est avant tout aussi une filière créatrice d’emplois. L’Agence Bio annonce ainsi le chiffre de 200 000 emplois directs à fin 2020 On peut aisément imaginer que ce chiffre est amené à augmenter puisque l’offre française en agriculture biologique reste inférieure à la demande. Rappelons aussi que l’Union européenne s’est récemment fixée comme objectif de consacrer au moins 25 % de ses terres agricoles à l’agriculture biologique d’ici à 2030, contre 8,5 % actuellement.
I. T. : L’autre principal atout de la filière, ce sont aussi les valeurs qu’elle véhicule ; des valeurs de préservation de l’environnement, de la santé, des générations futures… C’est un secteur qui jouit d’une image très positive auprès du grand public.

Quelles sont les qualités et les compétences qui peuvent « séduire » les recruteurs ?
I. T. : Les mêmes qu’ailleurs. Il faut avoir une certaine fibre « écologique », un désir prononcé de préservation de l’environnement et le souhait d’une agriculture productrice de produits plus sains, pour les consommateurs d’aujourd’hui et de demain.
A.B. : Pour évoluer dans les métiers du conseil, il est cependant nécessaire d’avoir des connaissances techniques pointues et d’être en capacité de mener une réflexion globale sur les pratiques techniques de l’exploitation (limitation de l’irrigation, diversification de l’assolement, commercialisation…)

Existe-t-il des métiers dits « en tension » où les employeurs connaissent des difficultés à recruter ?
A. B. : C’est en effet le cas des postes de commerciaux par exemple comme c’est aussi le cas en agriculture conventionnelle. Les postes en production font également face à des difficultés de recrutement. On notera enfin que les postes d’animateur dans les associations ou de certificateurs AB sont souvent un tremplin en début de carrière car ils sont très formateurs mais ils connaissent un turnover assez important.

Quelles sont les perspectives pour les années à venir ?
I. T. : Avec une augmentation constante depuis plusieurs années du nombre d’installation et de conversion en AB, portée, entre autres, par les collectivités territoriales, les perspectives d’avenir devraient rester sous de bons auspices encore un certain temps. Avec une croissance à deux chiffres et une forte hausse des demandes des consommateurs, qui deviennent ici des consom’ acteurs, l’industrie agroalimentaire prend également le virage du bio. Au-delà du greenwashing ou d’un effet de mode, c’est une filière qui opère une vraie révolution et qui s’inscrit sur le long terme

Voici quelques sites où trouver des informations sur l’agriculture biologique :
www.agencebio.org : l’Agence Bio est l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique
www.fnab.org : site officiel de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique des régions de France.
www.reseau-formabio.educagri.fr : site du réseau « agriculture biologique » de l’enseignement agricole
www.abiodoc.com : centre national de ressources en agriculture biologique.

 

Propos recueillis par Aude BRESSOLIER, Cahier expert « L’emploi dans l’agriculture biologique », 2021