Métiers de la nature et du vivant : entre attrait et méconnaissance

Les métiers de la nature et du vivant attirent, dont une large part de jeunes. D’après un sondage du Cneap, 83 % des jeunes Français de moins de 30 ans pourraient y travailler et 8 actifs sur 10 pourraient s’y reconvertir. Mais en pratique, ces métiers sont mal connus et perçus comme peu rémunérateurs. Comment y remédier ? Éléments de réponse avec Philippe Poussin, secrétaire général du Cneap. 

Pourquoi ce sondage sur les métiers de la nature et du vivant ?
Philippe Poussin : L’enseignement agricole, et notre réseau en particulier, a des difficultés à se faire connaître. Nous souhaitions connaître l’origine de ces difficultés, alors qu’a priori, au niveau de la société, on pourrait se dire que ça intéresse tout le monde. Nous avons, dans ces formations, deux familles de métiers : la production agricole et le service aux personnes. Des métiers porteurs de sens et nécessaires à la société, alors que, dans le même temps, nous avons du mal à recruter et à nous faire connaître.
Quels sont les retours de ce sondage ?
P. P. : Il en ressort que les gens cherchent d’abord un métier de passion dans lequel ils vont pouvoir se réaliser. L’autre aspect est que ces métiers soient utiles afin de rendre service aux autres et de contribuer au mieux-être social. Viennent ensuite les conditions de travail. On sait, depuis une vingtaine d’années, qu’il y a une recherche d’équilibre entre la passion du métier et la vie personnelle. Si l’on trouve un métier qui correspond à ces critères, on tombe juste. Concernant les métiers de la nature et du vivant, on constate que les sondés les considèrent comme importants. Un phénomène encore plus marqué suite à la Covid-19 et qui se retrouve dans les chiffres de l’étude. Si l’on plonge dans le détail des chiffres, on constate aussi qu’il y a des métiers moins attractifs, notamment dû aux conditions de travail difficiles, par exemple la cueillette manuelle des fruits dans les vergers. Il y a aussi le manque de reconnaissance dans les professions de soins aux personnes. On relève également des différences en fonction des tranches d’âge. Dans les personnes en milieu de carrière et souhaitant se reconvertir, il y a un pourcentage non négligeable qui pourrait envisager de travailler dans ces métiers, tout en venant d’autres secteurs d’activité. Pour cette catégorie, beaucoup idéalisent le métier d’agriculteur et ont une vision erronée de la profession. Si une grande majorité de cette population, qui se dit intéressée par les métiers de la nature et du vivant, s’orientait vraiment dans ces filières, nous n’aurions pas de problèmes de recrutement.
Comment remédier à ce manque de candidats ?
P. P. :
Il y a un travail conjoint à mettre en place entre les mondes professionnels et les structures de formation, beaucoup plus important que ce qui a été fait jusqu’à présent. Il faut améliorer cette relation. Il y a cependant un paramètre à prendre en compte, et pour lequel nous ne pouvons pas faire grand-chose : c’est celui du désir de la personne à s’orienter vers ces métiers. On ne peut en effet pas envoyer des gens vers une branche qui ne les intéresse pas. Il faut arriver à maintenir l’attention du public, et entre autres des jeunes, sur le fait que les métiers du vivant ont vraiment une utilité sociale et sont respectueux de l’environnement, contrairement à ce que l’on entend souvent. Je n’ai donc pas de réponses à apporter face à cette situation. Cela reste un travail de fond et de longue haleine. L’année dernière, par exemple, le ministère de l’Agriculture a réalisé une double campagne d’information, avec d’une part une campagne autour de l’enseignement agricole et de l’autre autour des filières de productions. On valorisait ainsi les formations et les métiers en même temps. À mon sens, il est impératif aussi que les organisations professionnelles agricoles aient une prospective sur les besoins métiers dans les cinq à dix prochaines années. Est-ce qu’il y a des métiers nouveaux ? Est-ce qu’il y a, dans les métiers anciens, des transformations à opérer ? Si la réponse est oui, il appartient aux branches professionnelles de nous en informer, pour que nous, structures de formations, nous nous préparions à ces changements.

Willy Deschamps, Tribune Verte n° 2998