Influenceuse agricole : elle crée du contenu pour transmettre

Une envie de transmettre sa passion pour le jardin, l’écologie et la permaculture. Il n’en fallait pas plus pour que Julie Bernier en fasse un métier, avec une présence sur Internet et l’édition de livres classiques. Mais sur la toile, tout n’est pas si simple, et un retour au monde réel est ressenti comme indispensable.

Animatrice, blogueuse, influenceuse, autrice. Tous ces qualificatifs décrivent l’activité de Julie Bernier, qui préfère cependant le dernier : « Le mot influenceur peut être mal compris et n’est pas très aimé. Je me définis plutôt comme créatrice de contenus. » Difficile en effet de faire consensus pour nommer ce métier très récent.

Bonne pub, faible revenu
Titulaire d’une licence d’anglais et d’un master en développement durable, elle se destinait initialement à de longues études. Celle qui commence par poster des vidéos ici ou là donne quelques conférences en 2017 sur le thème des potagers écologiques, de la permaculture ou de la gestion des déchets. Puis, elle écrit des livres à partir de 2019. Ses premiers lecteurs sont des particuliers, jeunes, qui ont envie de remettre les mains dans la terre et débutent complètement au jardin. Elle édite aussi un ouvrage pour ceux qui possèdent un potager traditionnel, mais qui souhaitent essayer autre chose. La clientèle des livres représente 80 % de son chiffre d’affaires, sous statut d’autoentrepreneur. Elle reçoit pour cela le soutien des éditions Solar. Julie Bernier insiste bien : « 99 % du contenu proposé sur la toile n’est pas payé, et les marques nous proposent souvent de nous rémunérer en produits. » Une forme qu’elle refuse, préférant se contenter d’un forfait modeste : entre 500 € et 1 500 € pour un sponsor. « C’est un marché de niche. Si évidemment je tenais un blog mode et beauté, ce serait différent », s’amusetelle. Cela reste difficile de trouver des marques avec lesquelles collaborer sans devenir une publicité ambulante, et surtout, qui soit déontologiquement relié à ses contenus. Pour autant, ses créations lui servent bel et bien à se faire connaître pour vendre ses livres. Le rayonnement est francophone, européen, mais s’étend assez peu ailleurs, car les environnements agronomiques sont différents. Du point de vue pratique, elle tourne avec seulement un téléphone. Le seul investissement se trouve dans les logiciels de montage, et bien sûr, l’ordinateur. Elle soigne particulièrement les sous-titres de ses vidéos, car « 80 % de mes followers regardent sans le son, dans les transports ou au bureau ». Elle publie principalement sur Instagram et a délaissé Facebook : il est difficile de tourner un même contenu pour deux formats différents (portrait et paysage). « J’ai en revanche testé TikTok, mais vite abandonné à cause de commentaires très violents pour des choses anodines, de la part d’internautes très jeunes », explique-t-elle.

Contact physique indispensable
Selon Julie Bernier, la plus grande compétence est de savoir vulgariser, quel que soit le support. Elle ne veut pas se contenter d’être autrice : « Je me suis rendu compte en parlant devant l’écran qu’interagir avec les humains me procure le plus de bonheur et il faut nourrir ce lien. » Elle décide donc d’ouvrir son propre jardin de Cap Breton au public, pour des visites ou des formations courtes d’1 à 5 jours en permaculture. « J’aimerais que ce soit un lieu culturel et éducatif, mais surtout qui procure du plaisir aux visiteurs », explique-t-elle. Pour cela, elle projette de s’installer en tant qu’agricultrice et passe en ce moment son BPREA. Julie Bernier n’a pour l’instant que peu de contacts avec la profession agricole. Elle rencontre quelques maraîchers localement. « J’essaye de m’inscrire dans le territoire et d’échanger pour l’instant dans un milieu agricole qui porte les mêmes valeurs. Il y a toujours quelque chose dans l’échange, même si l’on n’est pas d’accord au départ », résume la jeune femme.

Marc Guilbaud, Tribune Verte n°3021