Du bilan de compétences à la création d'entreprise

Agricultrice pendant quatre décennies, Thérèse-Marie Couvreur vient de créer, à 63 ans, une structure de conseil aux éleveurs laitiers désireux de se diversifier. Une reconversion permise par sa riche expérience technique et commerciale dans la valorisation et la transformation du lait, un point fort mis en évidence lors d’un bilan de compétences.

Quel est votre parcours professionnel ?
Thérèse-Marie Couvreur : J’ai passé 42 ans de ma vie professionnelle dans mon exploitation agricole, à Roncq (59) après un poste de secrétaire médicale au CHR de Lille. Je me suis installée en 1977 avec mon époux sur la ferme laitière familiale, une structure de faible taille que nous avons progressivement agrandie et développée. L’exploitation, aujourd’hui reprise par notre fille, couvre 40 ha et compte 70 vaches laitières qui produisent environ 700 000 litres de lait par an. Dans les années 1980, nous avons choisi de diversifier l’activité en nous lançant dans la fabrication et dans la vente de produits laitiers fermiers. L’intégralité de la production de lait est directement transformée sur place, dans notre atelier, en différents fromages, en beurre et en fromages frais. Nous avons créé deux structures, une SARL pour la commercialisation des produits, et une SCEA pour la production et la transformation du lait, qui emploient au total 20 salariés. Tous ces développements de l’exploitation ont été rendus possibles par le suivi de nombreuses formations : à l’Ifocap pour la comptabilité/gestion et la partie commerciale, à la chambre d’agriculture pour la partie technique, à l’Enil(1), au CFFPA de Le Quesnoy pour la transformation fromagère, ou encore au CerFrance pour la partie ressources humaines.

Pourquoi avoir choisi de réaliser un bilan de compétences ?
T.-M. C. : À l’approche de la retraite, j’envisageais de me lancer dans un nouveau projet professionnel – la création d’une structure de conseil aux éleveurs laitiers – que je n’étais pas certaine de voir aboutir. Je n’étais pas sûre de savoir ce pour quoi j’étais faite et me posais aussi des questions sur le devenir de l’entreprise après mon départ. Le bilan de compétences, que j’ai réalisé avec un conseiller de l’Apecita, permet de faire un point sur sa carrière, d’analyser ses compétences professionnelles et personnelles ainsi que ses aptitudes et motivations. La démarche vise à aider la personne à définir un projet professionnel cohérent. Les résultats du bilan peuvent éventuellement permettre d’évoluer dans son travail ou de changer d’activité.

En quoi ce bilan de compétences a-t-il été utile dans votre parcours de création d’entreprise ?
T.-M. C. : Le bilan de compétences a permis de révéler mes points faibles, notamment en gestion des ressources humaines, et d’analyser la manière de les réparer. La démarche a aussi mis en évidence mes forces, comme l’expérience technique et commerciale dans la valorisation et dans la transformation des produits de la ferme, ou encore mon aptitude pour développer l’exploitation par diverses activités et en faire une structure solide financièrement et rentable. Finalement, le bilan de compétences m’a montré qu’il était possible de valoriser cette expérience et de cesser mon activité d’éleveur/transformateur tout en poursuivant dans le même domaine. Il m’a rassuré sur le fait que mon projet n’était pas hors de portée.

Votre projet professionnel a donc abouti ?
T.-M. C. : Oui. En janvier 2020, tout en étant à la retraite, j’ai créé, avec ma fille (qui compte dix ans d’expérience dans l’industrie laitière), Terra lactée. Il s’agit d’une structure d’accompagnement et de conseil aux éleveurs laitiers dont la mission est de permettre au plus grand nombre de se diversifier, de développer une activité de transformation du lait performante pour compléter leur revenu, et de consolider leur exploitation. J’aide ainsi les producteurs à définir une stratégie de transformation, à mettre en place cette stratégie par du conseil personnalisé et des formations techniques (sur les risques sanitaires, les défauts de fabrication liés à la qualité du lait…), et à piloter les impacts de l’activité sur la rentabilité. L’entreprise accompagne également des écoles et des associations ayant des projets de transformation et de commercialisation du lait. Avec ma fille, nous avons donc uni nos compétences respectives : elle, dans la partie finance et structuration, et moi, dans la partie technique et opérationnelle. Cette nouvelle activité, qui s’inscrit dans la continuité de la précédente, est pour moi un moyen de valoriser mes compétences et mes connaissances acquises pendant 42 ans sur la ferme familiale, et de transmettre mon savoir-faire.

PROPOS RECUEILLIS PAR Danielle Bodiou, Tribune Verte N°2965
(1) École nationale d’industrie laitière.