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La filière Forêt : La polyvalence avant tout

La filière Forêt : La polyvalence avant tout

Quels sont les principaux débouchés qu’offre la filière forestière ?
Irène Trouslard : On trouve, dans la filière forestière, les métiers de la sylviculture, qui concerne la gestion et la mise en valeur des forêts, et de l’exploitation forestière, axée sur la production et la récolte du bois, avec des métiers tels que garde forestier, conducteur d’engins, bûcheron

Mais il ne faut pas oublier les métiers du bois qui découlent des activités forestières et qui sont fortement générateurs d’emplois dans les industries du bois, les scieries, chez les fabricants d’emballage, ou encore dans les entreprises d’ameublements. Il y a aussi un réel engouement pour l’habitat durable avec le développement des maisons ossature bois (MOB). On y retrouve des postes d’opérateurs de scierie, de menuisiers, de constructeurs, d’ingénieurs de production ou d’ingénieurs de bureau d’études par exemple. Sans oublier les métiers du bois énergie pour le chauffage qui progressent en termes de volumes de postes. Enfin, dans l’ensemble de la filière, on retrouve également tous les métiers liés au commerce. Ces métiers peuvent s’exercer dans le secteur public (collectivités, Office nationale des forêts - ONF…) ou dans le secteur privé (coopératives, entreprises de travaux forestiers…). Il est également très fréquent que des salariés s’installent à leur compte.

Ces différents métiers sont-ils accessibles à tous les niveaux de formation ?
I. T. : Ces métiers sont accessibles aux personnes passées par des formations diplômantes, du Capa au diplôme d’ingénieurs. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le choix de l’alternance peut s’avérer judicieux. Les métiers de la forêt demandent en effet une technicité, un geste, un savoir-faire. Les entreprises n’hésitent donc pas à recruter des élèves en alternance afin de leur enseigner les bons gestes. Ce qui se traduit souvent par une embauche après l’obtention du diplôme. Tout le monde est donc gagnant.

Il existe aussi des formations qualifiantes type certificat de spécialisation ou encore certificat de qualification professionnelle, qui permettent d’acquérir de nouvelles compétences et peuvent ainsi faciliter l’accès à l’emploi.

Quelles sont les compétences attendues par les recruteurs ?
I. T. : Avec des machines de plus en plus sophistiquées dotées d’électronique et d’outils numériques, il faut bien évidemment de bonnes compétences techniques, et avoir acquis les gestes professionnels. Sans oublier des bases scientifiques et notamment une bonne connaissance des végétaux, de l’environnement et de la forêt. De plus, sachant qu’il faut souvent être capable de passer d’une activité à l’autre, les employeurs de la sylviculture et de l’exploitation forestière attendent souvent une forte polyvalence.

Sachez également que si vous comptez vous installer à votre compte, il faudra aussi être un bon gestionnaire : savoir utiliser son réseau professionnel, gérer son agenda et les chantiers en cours…

Les entreprises de la filière offrent-elles des perspectives d’évolution ?
I. T. : Pour la partie sylviculture, l’ONF ou les coopératives permettent des évolutions hiérarchiques car ces structures sont de taille importante. Un salarié pourra ainsi évoluer vers des fonctions d’encadrement. De même, être titularisé dans la fonction publique peut-être une forme d’évolution. Pour la partie exploitation forestière, l’évolution passe par deux aspects : devenir son propre patron, et monter en gamme dans le produit.

Existe-t-il des métiers dits « en tension » où les employeurs connaissent des difficultés à recruter et si oui, comment l’explique-t-on ?
I. T. : Oui. C’est notamment le cas pour les conducteurs d’engins forestiers et les débardeurs. Ce sont des métiers physiquement exigeants, qui sont soumis à une forte saisonnalité et aux conditions climatiques parfois difficiles. Au bout d’un certain temps, ces personnes aspirent à des conditions de travail moins contraignantes.

Voit-on de nouveaux métiers émerger ?
I. T. : Plus que de nouveaux métiers, je parlerai d’évolutions des conditions d’exercice. Le secteur est par exemple en pointe sur les évolutions technologiques et innove pour améliorer les conditions de travail : systèmes d’informations géographiques en forêt, machines à commandes numériques, logiciels de conception assistés par ordinateur… De nouveaux marchés émergent aussi dans le domaine de la chimie verte, des matériaux composites, de la cellulose… Mais face à ce véritable engouement pour ce matériau noble, naturel et écologique, la filière reste avant tout à la recherche de nouveaux talents passionnés par cette matière vivante.

—— Propos recueillis par Aude BRESSOLIER (Tribune Verte 2942)
Contact : Irène Trouslard – itrouslard@apecita.com

Zoom sur les chiffres clés de l'APECITA

En 2019, l’APECITA a traité 190 offres dans le secteur de la forêt. Les offres correspondant aux métiers de la recherche, de l’expérimentation, de l’étude et de la conception sont majoritaires (plus d’un tiers des offres), suivies par celles liées aux métiers du commerce, de l’export, du marketing et des achats puis par celles correspondant aux métiers de la production. (Attention : une offre peut être codifiée sur trois secteurs d’activité, d’où un total supérieur à 100 %).

Témoignages

Ils ont choisi de travailler dans le secteur forestier

Jean-Mathieu Colin, cabinet Forêt évolution : Devenir expert forestier

Jean-Mathieu Colin, 35 ans, est ingénieur forestier au cabinet Forêt évolution. Il est également membre stagiaire des experts forestiers de France (EFF).

« J’ai commencé mon cursus par un BTS gestion forestière à Mirecourt dans les Vosges, suivi d’une préparation post-BTS et d’une formation d’ingénieur agronome à l’Enesad (Agrosup Dijon désormais). J’ai effectué la 3e année de spécialisation "Filière bois" à AgroParitech Nancy en 2010. J’ai ensuite travaillé comme technicien plan de développement de massif au CRPF (centre régional de la propriété forestière) Champagne-Ardennes, puis au CRPF Normandie, ainsi qu’à la coopérative Forêt bois de l’Est (Aube), en tant qu’ingénieur forestier en charge de la rédaction et du suivi des plans de gestions », explique-t-il.

Il est embauché en 2015 par le cabinet Forêt évolution, implanté dans l’Aveyron. L’équipe, composée d’un expert forestier, de deux ingénieurs stagiaires des experts forestiers, d’un ingénieur forestier et d’une comptable, gère 13 000 ha de forêts en région Occitanie et dans les départements alentour.

« Mon travail consiste à gérer les forêts des particuliers. Le quotidien est constitué pour moitié de travail de bureau, pour moitié de travail de terrain : marquage des coupes, mises en vente des bois, suivi des coupes et des opérations de reboisement, amélioration des dessertes, création de routes pour les camions grumiers, etc. Le cabinet est également amené à faire des expertises, des avis de valeurs, des estimations, dans le cadre de succession ou de ventes de forêt par exemple. » Jean-Mathieu Colin est actuellement membre stagiaire des experts forestiers. « La finalité est bien sûr de devenir expert forestier. Pour cela il faut être stagiaire pendant au minimum trois ans, et effectuer un certain nombre d’expertises », précise-t-il.

Rémi Gerberon, ONF : « Gérer un massif forestier de A à Z »
Rémi Gerberon, 21 ans, est technicien forestier à l’office national des forêts (ONF) dans les Vosges.

Rémi Gerberon, 21 ans, est technicien forestier à l’ONF dans les Vosges depuis décembre 2019. « J’ai toujours souhaité travailler dans le domaine forestier et j’ai orienté mes études en ce sens. Après mon bac STAV obtenu au lycée agricole, j’ai passé un BTSA gestion forestière à l’institut Charles Quentin à Pierrefonds dans l’Oise. J’ai ensuite commencé une licence professionnelle de conseiller forestier en apprentissage à Besançon, que j’ai abandonné quand j’ai décroché ce poste. Pour devenir technicien ONF, il fallait passer un concours, mais depuis quelques années c’est sur entretien. Le statut n’est plus celui de fonctionnaire, je suis salarié de droit privé en CDI », explique-t-il. Rémi Gerberon est technicien à la direction territoriale Grand-Est, elle-même divisée en agences. Il dépend de l’agence Vosges Ouest, et plus précisément de l’unité territoriale Lamarche, qui assure la gestion de 31 forêts communales, deux forêts domaniales et une forêt départementale, représentant 11 000 ha de forêts.

« Nous sommes sept techniciens sur cette unité territoriale.  Chacun a environ 1 600 ha de forêt à gérer. Le travail est très varié, c’est ce qui me plaît : on s’occupe de la gestion de massifs forestiers de A à Z. Cela comprend le relationnel avec les communes propriétaires, le conseil pour les travaux et les coupes, le lien avec les entreprises qui effectuent les plantations ou les travaux forestiers, etc. Il comprend à la fois du travail de bureau et du travail de terrain. Nous effectuons notamment les prises de mesures sur le terrain pour estimer la qualité et les volumes de bois. On apprend, bien sûr, en partie sur le terrain, mais j’avais déjà une bonne connaissance du métier et de l’ONF. J’ai en effet effectué pendant mon cursus de formation plusieurs semaines de stages et d’intérim à l’ONF, et j’y avais débuté l’apprentissage de la licence professionnelle. C’est à la fois un travail en autonomie et un travail d’équipe. Par exemple, pour les opérations de martelage (marquage des arbres à abattre), qui se pratique en avril/mai, ou pour les opérations de cubage (mesures des diamètres et longueurs des troncs) nous le faisons en équipe. »

Sébastien Rivière, Fortea Consulting : « Le métier est varié, c'est un aspect qui me plaît »
Sébastien Rivière, 24 ans, est chargé d’études forêt-filière bois chez Fortea consulting.

« J’ai commencé mon parcours de formation par un BTS gestion forestière à l’Institut des sciences de l’environnement et des territoires (Iseta) d’Annecy, site de Poisy. J’ai ensuite passé deux diplômes en un an : un BTS GPN, toujours à Poisy, et cette même année j’avais également la possibilité de faire une licence géographie et aménagement à l’université Lyon 3. J’avais une certaine attirance pour les espaces naturels et la forêt, je souhaitais concilier les deux et je voulais pouvoir faire un master après », explique-t-il. Il a ensuite effectué un master AETPF (agrosciences, environnement, territoires, paysage, forêt), agros, parcours écosystèmes agricoles et forestiers à AgroParisTech Nancy. « Mon but était d’avoir une formation complète. Dans le secteur de l’environnement, on sait que le nombre d’emplois est limité, je voulais mettre toutes les chances de mon côté », indique-t-il. Sa formation terminée, il débute sa carrière professionnelle dans un bureau d’études réalisant des études environnementales et notamment orienté sur la pédologie à Lyon. Depuis juin, il est embauché en qualité de chargé d’études forêt - filière bois chez Fortea, un bureau d’études spécialisé depuis 1994 dans la filière forêt-bois. Son équipe de neuf personnes basées à Lyon et à Turin est composée d’ingénieurs forestiers, d’experts du bois, de naturalistes et de spécialistes des programmes européens. L’antenne lyonnaise compte trois personnes.

« J’ai plusieurs missions, explique-t-il, actuellement un tiers de mon travail est axé sur la réalisation d’étude de végétation sous les lignes électriques. Il s’agit à la fois d’effectuer des relevés de terrain, et de réaliser des analyses cartographiques, à partir des données SIG fournies. Le but est d’identifier les essences présentes et d’établir, en fonction de leur croissance, un plan de coupes sous les lignes. Nous travaillons également avec l’association Sylv’ACCTES, qui attribue des subventions aux propriétaires forestiers pour encourager la mise en oeuvre d’actions sylvicoles vertueuses dans les massifs forestiers français. Nous réalisons les contrôles pour regarder si les travaux effectués correspondent bien aux subventions versées. » Fortea a également un troisième pôle d’activité, en lien avec les certifications de gestion et d’exploitation durable des forêts PEFC et FSC, et réalise des audits de l’amont en forêt, jusqu’aux utilisations du bois. « Le métier de chargé d’études est varié, avec une grande diversité de mission, c’est un aspect qui me plaît », résume-t-il.